La présentation d’une nouvelle collection, celle d’Elias Barnès, le « nouveau prince de la mode ». Et une mise en scène particulière qui donne aux mannequins qui défilent la possibilité non pas de faire un aller retour sur le catwalk, mais de déambuler autour du public.
Une véritable spirale.
Un effet tourbillon qui dure plusieurs minutes lors du générique de lancement du film et nous donne si ce n’est le tournis, la certitude que le film nous emmène pas à pas dans une désescalade vertigineuse.
Déjà le personnage principal a le souffle court. On pense alors à l’angoisse qui est la sienne de dévoiler au monde de la mode sa nouvelle collection, mais au fond de nous, le sentiment que quelque chose de plus profond se trame est bien présent.
Et nous sommes face au second film de Xavier Legrand qui nous a, il y a quelques années de cela, gratifié du magistral Jusqu’à la garde, qui nous avait alors cloué à notre siège et cloué le bec. Le grand cinéma, pourtant sobre, mais si puissant par sa forme et son propos existait encore. Un indice donc pour penser qu’on ne sortira pas indemne de ce film non plus.
Il nous revient donc avec le personnage de cet Elias (Sébastien est son prénom de naissance). Un transfuge de classe qui est allé gommer de sa vie tout à la fois son accent québécois et son père. Issu d’un milieu simple, il a traversé l’océan pour se réinventer / s’inventer dans le milieu de la mode : cette industrie où l’on vit au gré des saisons mais toujours avec 6 mois d’avance. De ce besoin d’aller de l’avant, d’accélérer le temps.
Un jour la police débarque. Son père est mort et Elias / Sébastien – fils unique – doit gérer la succession. Il prend alors la « formule express » et prévoit de partir 3 jours, juste le temps de vider la maison, gérer et assister à l’enterrement. Son équipe l’attend pour valider un visuel : il va faire la une du Harper Bazar. Il sera de retour avant même qu’ils ne se rendent compte de son absence,
Mais c’est sans compter la découverte macabre, choquante et tonitruante qu’il va faire.
Je lis ça et là que le film dit les limites du patriarcat. Il le fait, à grand fracas. Si le film est principalement composé d’un casting masculin, c’est pour dire les bassesses de l’homme et du système qui s’est érigé autour de lui. Système basé sur le mensonge et sur ce sentiment qu’il faut détenir, posséder, entretenir la femme.
Cette dernière doit avoir besoin de l’homme. C’est sur cette erreur grossière qu’est basé le patriarcat. Personne ne dépend de personne, tous ensemble nous nous nous complétons. Et le film extrapole ce sujet pour le tirer jusqu’à son extrémité, comme il le faisait avec la question des violences masculines faites aux femmes dans son film précédent.
Son propos est traité avec la force qu’il mérite. Tout dans sa mise en scène dit la spirale dans laquelle se retrouve ce jeune homme qui se pensait délivré d’un père sans doute violent et excessif, le film élude ce point.
Son décès le ramène en tout état de cause vers les réalités de son hérédité, comme un boomerang, et le met face à son héritage. Héritage qu’il aurait bien refusé de toute pièce mais qu’il doit affronter.
Le film est d’une puissance sans nom et la tension est à son comble. On ne sort pas indemne de cette séance.
En cela, Xavier Legrand confirme sa qualité de créateur de cinéma organique. Il nous offre une véritable expérience physique. Qui peut faire état d’exutoire.