Attention révélation. Je n’ai jamais vraiment réussi à m’intéresser à la trilogie du Parrain de Coppola. Non pas que le sujet de la mafia ne m’intéresse pas, bien au contraire, je trouve très très cinégénique les histoires de voyous, très cinématographiques les grandes fresques familiales et amoureuses qui parlent de trahison et d’honneur. Je place à ce titre le cinéma de Scorsese tout en haut de mon panthéon du cinéma personnel. Tout n’est que question de point de vue et de sensibilité.
C’est justement ce qui irrigue le film de Marco Bellocchio, présenté en mai dernier, en compétition officielle, à Cannes.
Son « traite » est une bombe cinématographique qui nous prend dès la toute première scène pour ne plus nous lâcher. Il nous emmène au coeur même de cette « pieuvre » qu’est la Cosa Nostra (mafia sicilienne) sans jamais chercher à embellir cette « société secrète » ni à en édulcorer les codes. C’est ainsi que le personnage central Tomaso Buscetta (le fameux « traître ») n’est jamais dépeint tel un héros ou un salaud. Il est un homme avec ses grandeurs et ses faiblesses, mais un homme amenés à avoir des regrets et à admettre des fautes.
A aucun moment le réalisateur ne cherchera à montrer s’il est un traître ou un homme meurtri par la mort de ses fils, s’il est un repenti ou s’il cherche simplement à se venger. C’est là l’une des forces du film, il n’est jamais binaire.
Outre ce jeu d’acteurs remarquable, c’est surtout pour ses qualités cinématographiques que ce film mérite une attention tout particulière.
Tout, de la mise en scène léchée, à la photographie en passant par cette maitrise des plans vraiment extraordinaire, dit la maestria avec laquelle a été réalisée ce film. Bellocchio gère avec brio la rupture de ton et filme comme personne ces scènes de procès.
On est dans la salle d’audience, au coeur même de ces scènes de foire qui mettent en scène les (très) nombreux membres de Cosa Nostra amenés à user de tous les subterfuges possibles et inimaginables pour ne pas témoigner. C’est filmé de main de maître et l’atmosphère est parfaitement illustrée. On s’y croirait.
Mais le film ne tourne pas uniquement atour des scènes de procès et c’est justement ce qui lui donne toute sa puissance. Les ruptures de ton sont gérées au cordeau et c’est alors toute la force et la puissance du cinéma qui vient donner vie et servir ce « maxi procès » qui fut un véritable bras de fer entre la justice officielle et celle de la mafia, tentaculaire.
Tout cela avec en toile de fond la relation entre Buscetta et le juge Falcone qui ne fait qu’insister sur le fait que toute cette histoire de mafia n’est au fond qu’une affaire d’hommes.
Une histoire de l’humanité en somme ?