C’est dire si c’est affaire nous semble incroyable. Elle relate pourtant un pan de l’Histoire italienne alors sous le règne de l’Eglise papale, à la fin du 19ème siècle dans un contexte de racisme anti juifs assez fort.
Un petit garçon juif est alors enlevé à sa famille sous prétexte qu’il a été baptisé par sa nourrice chrétienne – elle avait peur qu’il finisse dans les limbes dira t-elle lors du procès. Or l’église d’alors indique que toute personne baptisée doit servir la foi chrétienne et l’enfant se voit alors « recruté » par le pape lui même. Il vivra alors dans son giron et recevra une éducation religieuse catholique. Le film conte ce rapt et la conversion du jeune garçon.
Le film vaut pour deux choses à mon sens l’une tenant du fond, l’autre de la forme.
La puissance du propos clairement anti-institutionnel : comprenez « anti Eglise » mais pas pour autant « anti religieux ». Le réal (octogénaire et en pleine possession de ses moyens avec ce film à la réalisation grandiose) est mordant, moqueur sans jamais être véritablement irrévérencieux. Il dépeint pourtant une figure papale démoniaque, raciste dont le dessein n’est pas celui, empli d’amour, de la bible. Il veut dire ce temps durant lequel l’Eglise était dominée par les puissances d’argent (il est question de dettes insurmontables) et ne parvenait pas à prendre partie pour les petites-gens en marge d’une société en déclin, marquée par de fortes violences.
J’ai lu que Bellochio avait envoyé son film au Vatican… Ambiance ! De quoi régler quelques comptes avec un passé peu glorieux.
En parallèle, le film vaut pour ces quelques montées en puissance qui m’ont tour à tour fait palpiter le coeur et émues. Je pense à cette scène durant laquelle il est annoncé à la famille que l’enfant va leur être pris et que le père pense à le faire sauter par la fenêtre… Le découpage de cette scène créé une grande intensité… Puis la scène de l’enlèvement justement…
Si ce film est une charge forte contre les institutions religieuses il est aussi le portrait d’un enfant pris entre deux eaux. Un enfant victime d’un lavage de cerveau à qui l’on demande de tout oublier de ce qu’on lui a appris jusque là… Repartir à zéro, réapprendre, oublier le passé… D’une violence sans nom !
Et ce chaud froid soufflé sans cesse est porté à l’écran de la façon la plus crue possible… Ce père qui veut rassurer son enfant lors du départ en lui disant que « tout ira bien, qu’il ne doit pas avoir peur, qu’il ne manquera de rien… » et plus tard, alors que le dit enfant est en train de prendre part aux rites religieux catholiques, qu’il commence à délaisser ses rites de naissance… lui dire qu’il doit se ressaisir, ne pas oublier d’où il vient… A ce propos une scène est très parlante. Le film fait un bon dans le temps et l’on retrouve un Edgardo adolescent qui, alors dépassé par un élan de fanatisme, se jette sur le pape alors que ce dernier entre dans l’église. Il en est aussitôt puni pour trop d’enthousiasme… A l’image de sa vie désormais, il sera toujours dans cet entre deux entre fougue et rejet.
Or le film veut dire l’importance de la nuance. Le besoin de sortir de cette binarité néfaste. Nous valons, nous vivons justement pour toute cette palette d’émotions, de sentiments, pour la force et le socle que peut représenter le passé mais aussi pour la vivacité d’un présent qui peut balayer de mauvais souvenirs et offrir une légèreté, une douceur, un bien être si ce n’est réparateur, vivifiant et apaisant…
De l’importance de ne pas opposer, placer en face à face… C’est de là que naissent les inégalités, les jalousies. A commencer par les institutions qui doivent, toujours, rechercher l’apaisement, l’équilibre, le bien commun. Au vu de la force avec laquelle me semble résonner le film, on en serait encore loin.