Léa Mysius poursuit, avec ce deuxième film, sa réflexion, son travail – je ne sais comment l’évoquer – sa poésie peut être ? autour des sens.
Son premier opus qui m’a tant plu sur le coup et marqué ensuite – Ava – mettait en scène une jeune fille sur le point de perdre la vue, qui se préparait à une vie dans le noir et vivait l’été le plus lumineux de son exixtence.
Ici, Léa Mysius, donne vie à une petite fille de 8 ans dotée d’un odorat surdéveloppé qui enferme dans des bocaux en verre les odeurs qui lui plaisent, l’intriguent le plus.
Ces cinq diables sont à la lisière du drame intimiste et du fantastique.
C’est une histoire familiale au sein de laquelle cette petite fille unique, harcelée à l’école, est le pilier central, le point névralgique. Cette petite fille, il y a tant à en dire. C’est Sally Dramé qui lui prête ses traits, et du haut de ses 11 ans, elle crève l’écran. Avec un naturel et une profondeur confondants.
Il faut la voir évoluer dans ce rôle somme toute difficile à appréhender tant il est le pivot de toute l’histoire. Elle est merveilleuse et au même titre que Noée Abita qui m’avait stupéfaite dans la peau de cette Ava, Sally me hantera pour longtemps dans les habits de cette petite Vicky pleine de verve, de curiosité, pleine d’un véritable regard posé sur son entourage, pleine d’amour, capable à elle seule de sceller des liens enfouis, perdus, refoulés et de sceller à nouveau les liens de sa famille.
Je ne veux pas trop en dire de ce conte brûlant et d’une puissance folle.
Léa Mysius confirme, s’il le fallait, son talent d’écriture – une base solide en soi – et parvient à donner vie à son propos, à son film. Le récit est parfaitement rythmé et les informations nous parviennent au compte goute, en filigrane. La réal nous invite à pénétrer dans son film, qui est un univers à lui tout seul. Je ne sais quels mots utiliser pour dire cela, car c’est de l’ordre du ressenti et il est, par nature, impossible de mettre des mots sur un ressenti (ça se ressent à l’intérieur et les mots sont alors banals et inadéquats) mais je veux dire la puissance que cette réalisatrice met dans son cinéma, elle même sans doute n’en a pas conscience. Je crois que la passion, l’amour ou tout autre sentiment se fait ressentir lorsque l’on met vraiment le coeur à l’ouvrage comme on dit. Je crois que c’est de cet acabit. La pellicule vibre.
Il y a tout à la fois de la douceur (dans la relation mère fille), de l’ennui (dans la relation de couple), de la tension (dans la relation entre belles soeurs), du ressentiment (dans la relation entre collègues) mais ce qui rôde tout autour de cela, c’est en fait de l’amour, un amour incandescent qui ne dit pas son nom qui n’a jamais vraiment pu vivre au grand jour. Un amour enfoui, sous jacent qui soudain alors, rejaillit.
Tout cela est dit, montré, illustré avec une telle présence, un tel vibrato que j’en ai été émue aux larmes.
Dans une toute récente interview donnée au Monde, Isabelle Huppert qui est sans doute l’une des plus grandes actrices au monde dit qu’elle se voit plus incarner « des états » plutôt que des personnages. Je saisis son point qui se prête tout à fait à ce film. Il émane ainsi quelque chose de vrai, de marquant. Un souffle de vie. Et c’est toujours fort de percevoir cela au cinéma.