J’ai d’abord mis du temps à entrer dans le film. Il faut comprendre qu’on entre dans ce film comme on entre dans la vie de cette troupe or il faut du temps pour trouver sa place sous le chapiteau.
On y parle fort, on s’engueule, on boit trop, il n’y a pas de place pour l’intimité, on est sur les routes les ¾ du temps… un mode de vie particulier et à part, qui n’est pas le mien.
Mais voilà que Léa Fehner réussit le pari de nous embarquer dans ce monde qui est le sien. Dans ces scènes qu’elle étire en longueur (j’ai pensé à Kechiche parfois), elle filme sa mère et pose son regard de femme sur cette autre femme et c’en est émouvant et fort. Elle filme en revanche son père avec son regard de « fille ». Elle le filme presque amoureusement et il en est beau, fort et touchant à l’image, on l’imagine, de la relation forte qu’ils entretiennent tous les deux. Elle met en scène la force de caractère de cet homme mais aussi son humanité, sa passion pour le métier qui va de pair avec l’amour qu’il porte à sa famille et à sa troupe.
C’est justement cette humanité qui est venu interférer dans ce brouhaha de mal être et dans les coulisses de ce spectacle de théâtreux un peu bancals qui m’a finalement prise par surprise et m’a bouleversée. J’ai été très émue par la vérité qui se dégage de ce film. Plus encore que les engueulades, c’est la vie qui se détache de ces coups de gueule, de ces discussions souvent endiablées et violentes qui m’a frappée.
Cette troupe est du genre à se faire remarquer, à prendre de la place, à faire du bruit mais elle est aussi sans doute bien plus à même de déceler la valeur et la préciosité de la vie à l’image de cette scène de naissance bouleversante où là, face à la vie qui apparaît, le silence se fait. On les sent ébahis et plus aucune parole – pourtant leur maître mot – ne semble opportune et à la hauteur. C’est là une preuve de respect extrême vis à vis de ce qui compte vraiment.
Et là enfin, la pureté est juxtaposée avec la fougue de ces gens qui ont déjà « trop » vécu.
Et c’est tout le panache de ces ogres qui nous saute aux yeux.