C’est l’histoire d’une enquête, et d’une résurrection.
Une histoire de mère en fille, de passage, de passation mais aussi de malédiction intergénérationnelle.
Mona Achache qui réalise ici le film, veut rendre un hommage appuyé et plein d’un amour contrarié, à sa mère Carole Achache, ancienne photographe de plateau de cinéma (chez Sautet…) décédée en 2016, après s’être pendue. Elle a récupéré, à la mort de sa mère, des cartons emplis de photos et d’enregistrements, qu’elle dira avoir mis du temps avant de vouloir ouvrir. Pour finalement s’y plonger pleinement dans le but d’en découdre avec son histoire familiale, avoir cette ultime conversation avec sa mère pour tenter d’en comprendre les choix de vie, du moins de l’entendre faire le récit de cette vie riche et souvent chaotique et peut-être, se positionner auprès de cette femme intense.
Le film vaut pour son dispositif original – compliqué à raconter, qui ne rend pas le film moins limpide pour autant.
Marion Cotillard devient Carole Achache sous nos yeux. Elle l’incarne d’abord, sous les traits de l’actrice oscarisée qu’elle est (une rapide image incrustée nous confirme cela) pour finalement lui redonner vie. Le film s’ouvre alors sur Mona toute affairée à trier, coller les photos de cet mère disparue. On se croirait dans le bureau d’un officier de police qui a collé au mur les preuves de son enquête. Et se poursuit dans un plan séquence d’une densité incroyable où Marion Cotillard, l’actrice donc, se déshabille (on notera qu’elle non plus n’assortie pas forcément ses sous vêtements !) pour revêtir les vêtements et bijoux de Carole Achache qu’elle interprétera à l’écran. A cet instant je ne peux réprimer une pensée pour Isabelle Huppert qui redisait samedi dernier lors de la masterclass à laquelle j’ai assisté, qu’elle donnait dans le cadre des 24h de Libé, à quel point les costumes sont clés dans la construction d’un personnage. L’habit ne fait pas le moine mais si l’on prend les choses à l’envers, ils donnent les clés de qui nous sommes : ils sont ici l’écrin de la personne qu’était Carole Achache. Dès lors Marion Cotillard est dans la peau de la défunte, elle utilise la technique du lip sync (une technique de play back) pour s’adresser à Mona, que l’on voit également à l’écran, et revivre des pans de l’histoire de sa mère, qui se mêlent à des grands moments l’Histoire tels que Mai 68 qui fut un levier pour permettre à la jeune femme qu’elle était de refuser l’ordre établi, dire sa volonté d’émancipation et de liberté, sentiment grandement revendiqué. Elle dira plus tard à quel point parfois ses idéaux et engagements étaient feints et uniquement à dessein de se confondre à l’autorité générale. J’aime cette pensée trop rarement exprimée, propre à la jeunesse il me semble. Non pas que les engagements en soient moins forts, mais un engagement fort pour une cause est souvent surtout le besoin de faire entendre sa voix, de se positionner face à une société qui tend à vouloir taire.
Au fil du film, dans un style très « actors studio » qui déplaira peut-être à certains, Marion Cotillard en vient à se confondre avec la vraie Carole Achache, elle n’utilise plus le lip sync et c’est sa vraie voix que l’on entend à l’écran et qui en vient (par trop de cigarettes fumées ?!) à ressembler étrangement à celle de la femme qu’elle interprète. Une nouvelle grande prouesse d’actrice.
Tout comme sa mère l’avant fait avant elle, Mona vient alors de raconter sa mère, comme cette dernière l’avait fait avant elle qui l’avait fait avant elle…. On imagine alors à peine la catharsis que représente l’exercice de ce film pour Carole. La passation se fait ainsi, et la découverte de soi va de pair avec la recherche des démons du passé… Ceux qui nous ont forgé.
Le cinéma aide alors à les faire émerger de nouveau, à les digérer.