Oui Xavier Dolan en fait souvent trop. Il aime l’emphase, parler fort et déplacer les montagnes.
Sa première réalisation américaine, made in Hollywood, est enfin sur nos écrans. 3 ans au moins qu’on l’attend. On a tout lu de ses déboires : ce scénario qu’il a en partie dû réécrire, ou du moins adapter au moment d la post prod, son amie actrice coupée au montage…
Je vois d’ici le combat qu’il a du mener avec les studios, lui dont l’ego, les certitudes et le besoin de tout maîtriser est intrinsèquement lié à sa personnalité, à sa façon de fonctionner.
Son film est donc là. Assassiné par la presse US et avec une sortie limitée. Celui qui n’est plus vraiment un jeune premier (10 ans de carrière et encore plus devant la caméra puisqu’il était enfant acteur) irriterait-il ?
Disons le tout de go, j’aime ce film. Au bémol près que je l’aime tout de même moins que les précédents.
Il me semble moins fin, moins subtile, moins fougueux alors qu’il est sans doute le plus personnel en ce sens où il relate une part de sa propre enfance et rend un hommage (trop appuyé) à certains de ses films fétiches.
Ce qu’il est impossible de reprocher à Dolan, si tant est qu’on veuille lui reprocher quoi que ce soit, c’est la passion du cinéma qui est la sienne, et celle qu’il met à l’ouvrage. Ici pourtant, j’ai été moins émaillée par la grandiloquence qui inonde son film. Il m’a donné le sentiment de soliloquer quelque peu. De chercher à se faire plaisir, d’abord.
Les références – à Titanic et à Maman j’ai raté l’avion (deux films qu’il cite interview après interview) sont lourdingues, que dire de celle à la série Roswell.
Reste sa profondeur d’âme mêlée à ses qualités de directeur d’acteurs, qui sait nous dire les affres de la solitude ou encore celles de ne pouvoir se montrer tel que l’on est au grand jour : Hollywood, un eldorado, vraiment ? Sans doute pour le fameux homme blanc hétéro ! Moins évident pour le jeune homme gay. Il parvient toujours, et encore cette fois, à capitonner sa pellicule d’une infinie émotion quoique légèrement oxydée par ce manque de naturel.
Reste la divine Susan Sarandon (72 ans, elle en fait 15 de moins – Louise à jamais !) qui m’a arraché des larmes. Elle offre une nouvelle version de la mère, grand focus de Dolan et sublime son rôle pourtant ingrat de mère incapable de comprendre son fils, alcoolique et fatiguée. En un quart de seconde elle parvient à bousculer les codes et à faire frémir la pellicule. Elle apporte un supplément d’âme à un film sans doute trop quadrillé.
Et le tout jeune Jacob Tremblay, surprenant de naturel et de maîtrise qui joue à la fois sur le tableau de l’hystérie et de l’émotion avec, toujours, un brio bluffant.
10 ans. Sans doute le moment du premier bilan du Xavier Dolan cinéaste. Je lui souhaite de continuer et de parvenir à se réinventer. Il a toutes les cartes en main. Il sait définitivement manier une caméra, dire une histoire et magnifier ses acteurs. En soi, une maestria.