Oh Pedro ! Sa façon toute à lui de dire des histoires alambiquées, qui viennent de loin et sont profondément ancrées dans le quotidien. Et puis ces couleurs, cette musique, cette ambiance chaude. Et sa direction d’acteurs/trices. C’est un maestro, véritablement.
Il m’a à nouveau emportée dans le tourbillon de cette histoire de maternité qui fait écho à la « grande histoire » de la vie, au passé. Il évoque ainsi pour la première fois – et de façon frontale – les tumultes et les conséquences de la guerre d’Espagne sur tout un peuple qui se retrouve meurtri de n’avoir jamais pu panser ses plaies.
Penelope Cruz porte le film, et à ses côtés, cette jeune actrice ne démérite pas. Elle parvient à prendre sa place avec une certaine force de caractère, et tout en douceur.
Mais Penelope est celle qui crève l’écran : quelle muse ! Elle irradie dans le rôle de cette mère sacrifiée. Cette mère sacrifiée qui en fait aura besoin de suivre son chemin – celui de la découverte de ses origines – avant de pouvoir véritablement devenir mère.
Comme souvent, Pedro frôle le politiquement incorrect et c’est ce que j’aime le plus dans son cinéma. Mais il y met une telle dose d’humanité qu’il lui est impossible de faire un faux pas et encore moins de nous lasser, voire de nous embourber. Si le scénario peut semble quelque peu « facile » par certains endroits, rien ne semble trop peu travaillé pour autant, bien au contraire.
Ici, la symétrie indiquée dans le titre du film, ce parallélisme, trouvera ses limites vers la moitié du film pour ouvrir vers une dimension toute autre. Partir du particulier, de soi pour parler à tous. De l’usage de parcours intimes pour dire la grande Histoire. C’est aussi ce que j’aime dans ce film. Pedro qui a toujours dit « la famille amour », la famille composée évoque la puissance de la filiation : l’amour familial, génétique. Le sang.
J’aime à quel point ses personnages sont ficelés, bien écrits, totalement « véritables » et incarnés. Ici Penelope Cruz est une photographe de mode assez aisée, clairement CSP +. Elle vit dans un bel appart à la déco moderne, est à la pointe de la mode (son tshirt « We should all be feminists » et ses jeans Levi’s bien coupés). Son personnage est parfaitement dépeint, sans que l’histoire ne nous donne plus de clés via l’usage de flashback, il nous est possible, aisément, de comprendre son histoire, son parcours et sa vie.
Et puis Pedro c’est cet amour du Cinéma. Ses modèles qu’il cite film après film. Et ici cette scène qui fait directement écho à la scène d’ouverture d’un de mes films préférés Psychose. Une vue de dehors, qui filme un immeuble pour entrer par la fenêtre, dans une chambre où un couple vit un moment intime.
Tout est cinéma chez Pedro ! Et il trouve, enfin, le moyen d’y imbriquer un pan de la grande Histoire, pour panser les plaies d’un peuple encore sous le coup d’un trauma profond.
Il se libérait de certaines souffrances liées à son histoire personnelle dans le somptueux Douleur et gloire et offre avec Madres Paralelas son salut à tout un peuple.
De la nature libératrice du cinéma. Du grand art.