« Si tu commences à croire que c’est de la psychologie… Non ! C’est de la technique ».
C’est en ces termes que Fabrice Luchini évoque, avec la passion qu’on lui connait, son métier. L’approche de son métier plus exactement.
Car c’est de ce dont il est question dans ce documentaire signé Benoit Jacquot.
Son cinéma ? Je n’en suis pas fan. Il m’a maintes fois déplu et déçu. Trop empesé, ni vraiment fin, ni véritablement prenant. Ce qui me plait c’est qu’il fait beaucoup tourner Isabelle Huppert. Et moi, Isabelle H, je la trouve puissante. Vraie. Tout à son travail, à son oeuvre. Clairement l’une – si ce n’est la meilleure.
L’idée même de la voir, l’entendre parler de son apprentissage des textes qu’elle dit sur scène (ici la Cerisaie de Tchekhov que j’ai d’ailleurs vu à l’Odéon il y a quelques mois) m’a de suite donné envie.
Et c’est ainsi que nous la suivons, au Festival d’Avignon, à l’été 2021 face à un rôle, un texte, juste avant les représentations. Quel plaisir j’ai eu à la voir dire, répéter ces mots. La voir butter sur une phrase pour finalement se demander la véritable raison de ce blocage : le premier de sa carrière. Et ce trac qui lui donne envie de dormir mais qu’elle apprivoise, domestique et amadoue comme pour en garder les effets positifs.
Face à elle, mais jamais ensemble à l’écran, Fabrice Luchini est également au travail. Tout à la recherche du ton juste qu’il pourra poser sur les textes des maitres qu’il dira sur la grande scène du Palais des Papes. Son énergie et sa verve légendaires m’ont plues et c’est un Luchini bien plus humble que je n’aurais pensé que j’ai alors découvert dans ce docu. Un égo, oui très clairement, mais une volonté simple et unique de trouver la juste expression. Le souhait de se placer au service des mots.
J’ai aimé, pour en revenir à Isabelle Huppert, la voir dans l’arrière salle de là ou je la vois généralement. La voir dans les prémices de son jeu là ou déjà, son envergure est grande.
D’autant que je l’avais entendu passer rapidement, il y a plusieurs années de cela, sur la question de l’apprentissage des textes. Là où une journaliste lui demandait comment elle faisait pour apprendre tous ces textes, elle avait coupé court en disant que ce n’est pas à ce niveau là que ça se joue. Que ce sont les décors et plus encore les costumes qui l’invitent à entrer dans le rôle, plus encore que le texte lui même.
La voir et l’entendre chercher à habiter le texte, l’apprivoiser, le faire résonner face à ses propres pensées, peurs, doutes, interrogations personnelles fut alors un pur plaisir. Celui de voir alors l’actrice qui fait écho à la femme qu’elle est. Et vice versa.