Denis Ménochet, Denis Ménochet, Denis Ménochet… Et puis le scenario, la mise en scène, les dialogues, les décors et les costumes… et la touche de Francois Ozon. Mais Denis Ménochet. Car il est grand, vraiment grand.
Ce qu’il donne ici est d’une puissante finesse. J’utilise l’oxymore sciemment. La puissance il l’a. Elle est déjà physique, il est de ceux que l’on voit, remarque de part sa prestance, sa corpulence, de part ce corps massif dont il est doté et avec lequel il joue magnifiquement. Et c’est la finesse qui l’emporte. La finesse des contours… Ce qu’il parvient à dire avec ses yeux est grandiose et si doux !
Le douceur qui irrigue par tous ses pores mêle en fait sensualité et délicatesse. Et dès cette scène de réveil (la première scène du film), elle irradie.
Denis Ménochet sait jouer avec la caméra, il sait donner corps à ses personnages (souvent très différents les uns des autres), il est de ceux qui ont une prestance. Ici, on le sent coquin et subversif. Il s’avère être entier et extrême. Prêt à tous les excès et capable de donner le meilleur de lui même, mais capable également des plus difficiles sursauts de colère. Comment évacuer toute la peine, la charge émotionnelle retenue depuis trop longtemps ?
Le film dit cela et le montre. A cet effet, des scènes de colère, on en voit au cinéma, mais une scène de colère d’une telle intensité, rarement. Seuls les plus grands peuvent donner ça. J’ai frissonné, été mal à l’aise, gênée par ce mal être qui jaillissait de cet homme incapable de tenir une seconde de plus, de retenir un instant encore la peine, la douleur, la frustration, l’absence, la solitude, qui l’habitent.
J’arrête ici car on frise l’hagiographie.
Et c’est en plus l’imbrication de tous les personnages qui fait la qualité du film. Du serviteur mutique (quelle prestance muette !) au jeune novice (qui va vite trouver sa place et ses marques) en passant par l’amie entremetteuse : « Je suis une star mais je suis humaine aussi vous savez », exquise Isa Adjani sous stupéfiants, et puis la fille et la mère qui arrivent en fin d’acte pour ajouter une couche à tout ce que Peter a voulu mettre sous le tapis toutes ces années durant.
On peut donc se prononcer : Ozon est passé maitre dans l’art de la mise en scène théâtrale (Huit femmes déjà il a plusieurs années) et son cinéma me ravit.
Il dit ici l’incandescence de l’amour qui irradie et qui, finalement, consume. Celui que l’on pensait colosse – le pygmalion – qui s’avère avoir des pieds d’argile par trop de distanciation, par une vie recluse aussi. Il est celui qui vit sur ses acquis. Et le jeune inexpérimenté qui, naturellement, prendra ses marques et saura déjouer les pièges d’un milieu qui ne fait pas de cadeaux, grâce aux conseils avisés d’une marraine bien implantée.
Tout ici dit la rudesse d’un milieu qui ne vit que de codes et d’interdépendance, si ce n’est de rivalité.
Exquis et pervers. Mais tendre aussi. La touche Ozon.