Je suis toujours épatée par deux choses au cinéma. La découverte de nouveaux acteurs non professionnels et le fait de faire jouer les enfants ou jeunes acteurs.
Samuel Theis, que j’ai découvert à Cannes il y a quelques années maintenant avec sa Party Girl dont je garde un souvenir ému et puissant, réussit le pari de concilier les deux.
Il a déniché un enfant brut et si doux et il le filme à sa hauteur, tout en le confrontant au monde des adultes au sein duquel il évolue.
C’est ici l’histoire de ce jeune Johnny, 10 ans et la maturité des enfants livrés à eux mêmes. Il vit avec ma mère, son grand frère et sa petite soeur dont il s’occupe. Il est le centre, le pilier de la famille. La mère, très jeune, partage son temps entre son travail dans un tabac en Allemagne et ses amours de passage. Lorsqu’elle est avec ses enfants c’est surtout pour leur demander leur aide pour les courses, la cuisine ou le rangement de l’appartement. Elle aime ses gosses, nul doute, mais a démissionné de son rôle de soutien, de tuteur. Elle a confié ce rôle à son fils cadet. Une drôle d’organisation familiale s’est alors mise en place. Cette famille que Johnny aime mais refuse. Il se sait déjà ailleurs, appartenant à un autre destin.
Alors lorsque son maitre de CM2 le remarque et le prend sous son aile, ce sont des envies d’ailleurs qui viennent remplir la tête de ce blondinet déjà très mature. Il est dans cette année charnière : celle qui précède le passage au collège et les choix d’études inhérents, celle qui le fera entrer dans l’adolescence et tout ce que cet âge charie, la découverte de la sexualité en tout premier lieu.
C’est tout ce que filme Samuel Theis ici. Et c’est brutal et doux à la fois.
Brutal pour ce que ça dit de l’enfance, souvent perçue comme l’âge de l’innocence.
Ici, Johnny a déjà trop vu, trop entendu de choses et il a été propulsé dans la réalité du monde des adultes. Il a déjà des responsabilités, de lui dépendent des tierces personnes qui lui sont chères de surcroit (sa petite soeur). Il lui incombe beaucoup.
Et puis le film parle de ce fameux déterminisme social. Sans jamais noircir le trait, ni trop appuyer le propos, il dit la douleur d’être né « du mauvais côté », sans fausse pudeur et sans gène. Le propos n’en est que plus fort.
Cet enfant a déjà compris qu’il n’avait pas grand chose en commun avec sa mère et sa fratrie. La façon d’aborder le propos est ténue et superbement ficelée. C’est dur et je n’ose imaginer la douleur, le sentiment de trahison que l’on peut ressentir dans ce cas. Le jeune acteur dit tout cela avec ses yeux, sa respiration, son corps. Et c’est puissant et beau.
Enfin, l’éveil de la sexualité et ce fourmillement interne qui jusque là sommeillait bien sagement et qui un jour s’éveille et réveille tout en vous. Ce bouillonnement qui ne demande qu’à exploser. C’est rare d’évoquer cela au cinéma, encore moins de le montrer. Là encore, la pudeur du réal est telle que les scènes relatives à ce sujet sont filmée de la plus pure des manières qui soient sans pour autant nous priver d’une légère gène, bienvenue.
Un film pudique et bouillonant.