J’ai souvenir que le programme de ce J1 cannois fut aux petites oignons. Emilia Perez (que j’attendais avec impatience et qui m’enthousiasma grandement) suivi d’une montée des marches, aux côtés de l’équipe du film The Substance signé Coralie Fargeat.
En voilà une réal française dont j’ignorais tout. Elle débarque sur la croisette avec son second opus aux cotés d’un casting 3 étoiles qui permet à Demi Moore de fouler le sol de Cannes pour la toute première fois, Margaret Qualey (que l’on a découverte dans Once Upon A Time in Hollywood) et Denis Quaid. Je passerai vite sur le rôle pénible de ce dernier qui incarne la beaufitude sans demi-mesure, Demi et Margaret portent le film.
Un « body horor » (j’ai appris ce terme cette année) qui n’est pas là pour épargner nos sens. Genou qui craque, colonne vertébrale qui se brise, accouchement par le dos (je ne sais comment vous présenter les choses autrement, soyons factuels !), peau qui suinte, ongle qui s’arrache et j’en passe…. Tout est là pour nous faire gigoter sur nos sièges.
La réal est allée jusqu’au bout de son projet, elle ne recule devant aucune peur d’aller trop en profondeur ni trop loin. Des réal hommes l’ont fait avant elle (on pense bien sûr à Cronenberg avant tout), pourquoi renoncerait-elle. Une façon, féministe s’il en est, de s’imposer dans ce pan d’un paysage cinématographique encore trop perçu comme étant masculin.
Ajoutons à cela Demi Moore (61 ans, dont le physique fait beaucoup parler) qui joue justement sur cette image. La réalité d’Hollywood (et plus largement) n’est autre que passé un certain âge, vous n’êtes plus rien, comme périmée. C’est d’une violence terrible. Ce monde terriblement basique et superficiel se complait à ne rechercher que la fraicheur, la pureté, la délicatesse… autant de qualificatifs uniquement liés à la jeunesse. Comme si passé l’âge de quarante ans, une femme n’était plus en mesure d’être fraiche, pure ou délicate…
Coralie Fargeat nous invite ainsi à repenser nos critères d’appréciation de la femme. Elle le fait par le prisme des codes du film de genre et c’est une réussite. Une réussite grinçante que je n’aurais pas récompensée par ce Prix du Scénario (peut-être l’aspect le moins probant de son film) mais par un prix de Mise en scène… Mais ce n’est pas de mon ressort et le principal étant que le film soit vu et reconnu pour ce qu’il est.
Une nouvelle brique du cinéma gore inspirée de nombre de ses prédécesseurs. On voit et on pense en effet aux oeuvres les plus célèbres de Cronenberg, mais aussi au cinéma de genre comme Shining et Requiem for a dream pour le montage bien particulier… Mais c’est surtout et avant tout l’oeuvre bien personnelle d’une réalisatrice encore assez nouvelle sur la scène du cinéma mondial, qui a devant elle un boulevard pour s’emparer d’un genre de cinéma encore trop associé aux hommes.
A voir sans grimacer !