François Ozon frappe fort avec cette nouvelle amie. Il frappe fort et juste sur plusieurs points. Trois principaux à mon sens.
Le sujet du deuil déjà, avec cette scène d’ouverture quelque peu plombante mais qui a le mérite de planter le décor. Un deuil difficile à porter tant il plonge les deux personnages principaux dans la réalité du manque, de la tristesse et sans doute, de la dépression.
Autour d’eux, le monde, la famille, le couple qui forment à mon sens le second gros focus de ce film.
Enfin, la féminité, son acceptation, sa « gestion » presque, comme s’il s’agissait d’un atour qui nous est offert, qui nous appartient et que nous devons habiter, peaufiner et maîtriser. Oui, les mots sont lâchés, je pense que tout le propos de François Ozon est de parvenir à accepter cette féminité qui est là nôtre et à en faire un atout.
Car oui, là est le cœur de l’histoire. David (magistral Romain Duris), veuf de Laura et papa d’une petite fille de quelques mois à peine aime se travestir. Son mariage épanoui lui en avait coupé l’envie et le besoin, mais la subite disparition de sa femme l’a fait « replonger ». A la base, sans doute, l’envie d’offrir à sa fille une présence à la fois féminine et masculine mais au fond, comme le lui fait remarquer son amie Claire, l’envie de se faire plaisir, de répondre à ce besoin qui est en lui, à ce besoin de se voir, de se sentir femme. Comme ces mots qu’il écrit noir sur blanc dans un sms adressé à Claire dans la dernière partie du film : « Je suis femme ».
C’est en lui, ça fait partie de lui et il revendique le besoin d’en faire son identité.
En grand maître du genre humain, François Ozon porte un regard doux et subtile sur son personnage qui irradie, littéralement. Jamais un jugement, rien qu’un regard posé avec douceur et respect.
Et il en va de même du côté du spectateur : simplement quelques rires non contenus et assumés face aux choix de tenues de ce cher David trop heureux d’assouvir, enfin, son désir de féminité… Non, on ne se lève pas du lit avec le brushing parfait des feuilletons américains, non, on ne porte pas tous les jours des portes jarretelles ni des déshabillés affriolants dès le réveil ! Mais que c’est touchant de le voir revivre sous les traits de cette Virginia (nom d’emprunt trouvé par son amie Claire).
Claire justement, mariée, jeune et jolie cadre dynamique en retrouverait presque des envies de féminité assouvie au contact de cette Virginia jouissant de sa féminité. Les deux s’entraident, s’aident et se font du bien mutuellement face à la douleur qu’ils partagent, le deuil. Via ce personnage de Claire, Ozon évoque d’ailleurs tout le sujet du rêve et du fantasme de façon claire et vive.
C’est au final cette dualité qui est en nous tous qu’évoque si justement François Ozon. Je ne dis pas que nous avons tous l’envie ni même l’idée de nous travestir, ça ne passe pas forcément par là. Mais à l’heure où la question du genre est au cœur de nombreuses discussions, il me semble qu’Ozon tient là un bon moyen d’apporter de l’étoffe au sujet. David / Virginia pose d’ailleurs la question de savoir si l’amour suffit (tiens tiens, ça me fait penser à Xavier Dolan ça…) (cf cette scène dans la maison de campagne ou Virginia envisage une « nouvelle vie en femme » mais se questionne quant au bien fondé de ce désir par rapport à sa fille).
C’est au final une oeuvre délicate et sensible et si j’osais je dirais « couillue ». Car oui tout de même, il faut l’aborder ce sujet, sans tomber ni dans le pathos ni dans le racolage. Et bien Ozon et sa « troupe » relèvent le défi haut la main.
Romain Duris est époustouflant et si juste. Peu d’acteurs feraient ce qu’il fait dans ce film. Il doit tant aimer les femmes je pense pour parvenir à un tel niveau de jeu, d’incarnation. Anais Demoustier est juste et limpide dans le rôle qu’elle incarne.
Ozon prouve une fois de plus et avec brio qu’il aime les femmes, qu’elles l’animent et l’intriguent et l’image qu’il s’en fait est, à mon sens, très belle. Car au final, en sortant de la salle, j’étais bien heureuse d’être en robe et en talons, je dois vous avouer que j’en ai peut-être un peu joué mais nous sommes d’accord, quel plaisir d’être femme mais surtout, quel plaisir d’être bien avec soi même.
A l’image de cette toute dernière scène profondément touchante où Virginia, désormais femme assumée et accomplie va chercher sa fille à la sortie de l’école, vêtue d’un simple jean, de talons à la hauteur maîtrisée et d’une simple veste de tailleur… Là, on comprend qu’elle a trouvé sa féminité, son identité.
Oui, je pense en effet qu’on ne naît pas femme, on le devient.