C’est bien connu, l’argent fait le bonheur. Ou presque.
C’est bien connu également, le cinéma de Scorsese est passé maître dans l’art de dresser le portrait d’hommes tous plus déglingués les uns que les autres. Des hommes marqués par l’horreur de la guerre, dans ses premiers films starring De Niro / Taxi Driver and co) mais aussi, par la suite, le portrait d’hommes marqués par leurs propres névroses : Aviator, Shutter Island et ici Le loup de Wall Street.
Il faut bien dire que ce Jordan Belfort (dont l’histoire vraie est contée ici dans ce film) est un véritable énergumène. Un loup comme on en voit peu. Assoiffé par l’argent et le pouvoir. Il abandonne des études dentaires dès le premier jour sous prétexte que les années d’études sont trop longues pour obtenir, au bout du compte un salaire « de misère ». Jordan, lui, sa ligne de mire n’est autre que des millions en masse. Sa carrière est toute trouvée. Nous sommes au coeur des années 1990, la décennie ou tout semblait encore possible. Il sort alors de son Bronx natal pour se rendre dans le seul quartier à son image et à sa dimension : Wall Street (le quartier de la Bourse à New York). De grandes dispositions en vente : il est sans doute le meilleur commercial que j’ai jamais vu en action auxquels s’ajoutent les conseils de son premier patron quelque peu véreux (excellentissime Matthew McConnaughey que j’aurais aimé voir plus tout au long du film) et seulement quelques mois de spéculation boursière le rendront riche à millions et patron de sa propre société de courtage. Il n’a alors que 26 ans.
Ce qui suit ne plaira pas à tout le monde. Il faut avoir le coeur accroché pour accepter ce qui suit à l’écran. Ce n’est qu’un enchainement de luxure, de tout ce que le monde de la finance génère de plus puant : drogues, excès, prostituées de luxe et j’en passe. La décénie pré-crise dans toute sa splendeur. Rien n’arrête Jordan Belfort, jeune homme ambitieux mais ayant encore les pieds sur terre lors de son arrivée à Wall Street. Ce dernier va alors tomber dans l’engrenage du succès, du pouvoir et de la dépendance aux substances chimiques. Rien ne l’arrêtera plus. Son ambition ? Pisser sur le monde, rien de moins (pardonner cette vulgarité mais je suis, moi aussi, obligée de me mettre dans l’ambiance afin de vous la conter). Sa vie se résume alors à un enchainement de soirées mondaines (à ce niveau là Di Caprio passe de Gatsby à Jordan sans grand changement) ou les pires déchéances sont de mise.
Je ne connais pas ce Jordan Belfort mais il me semble que Di Caprio a tout à fait cerné le personnage et plus encore en lui donnant « l’étoffe minable » qui a enrobé son ascension dans le monde de la finance. C’est définitivement d’une platitude écrasante de dire que Di Caprio est un bon acteur. Il me bluffe de film en film. Il se dégage de lui une force que j’ai rarement vue au cinéma. Je ne sais pas comment l’expliquer mais il semble toujours garder son âme de mec bien sans pour autant tout donner aux personnages qu’il incarne. En cela, il est grand et différent.
Il est sans aucun doute excellemment bien dirigé sous les « ordres » et conseils de Martin Scorsese : l’un des grands maitres du cinéma américain. Scorsese se délecte de ses types meurtris, perdus dans la haine, la peur et les excès en tous genres. Il pose d’ailleurs sur ce Jordan Belfort un regard à la fois amusé (il nous livre tout de même une sacrée comédie avec ce Loup de Wall Street) et inquiet et dédaigneux : il semble tout de même vouloir nous dire que ce « type » est à l’orgine de notre chaos économique actuel.
Mais pas que… chaos économique certes mais chaos moral également.
Comme Jordan / Di Caprio le dit si bien lors de l’un de ses discours à ses employés, la société qu’il a créée représente l’Amérique à elle seule. Cette « land of plenty » qui offre à tous la possibilité de réaliser ses rêves… Jordan, par ses excès en tous genre semble avoir gâché tout cela. Seule valeur refuge ? La famille. Mais là encore, le chaos est là. L’abus de tout a fini de désagréger la dernière cellule qui pouvait nous permettre de rebondir. Ici, j’ai d’ailleurs énormément pensé à son Casino – Margot Robie en néo Sharon Stone : même femme fatiguée d’être restée trop longtemps au foyer à dépenser l’argent de son mari et à s’occuper des gosses. Mêmes disputes avec un mari déglingué par l’alcool et la drogue et sans doute : même issue fatale. Clairement, au travers de l’histoire vraie de cet homme, c’est toute la chute d’une société, d’un idéal et d’un monde que dépeint Scorsese.
Définitivement, la crise est passée par là, la fête est finie.
Gérard Bladié
Une formidable réflexion sur le capitalisme et ses crocs acérés sous le vernis du « libéralisme ». A conseiller, on en apprend encore sur ce monde de fous furieux. Dés que la lumière s’éteint, tout s’éclaire dans la tête du spectateur/électeur.
Barbara
Merci Gérard pour ce commentaire : un film fort parlant et dénonciateur en effet